Un refuge dans la nuit
Le cabaret, ce n’est pas qu’un décor en velours rouge. C’est une gueule ouverte qui avale la société grise pour la recracher en couleurs. Avant que Queer ne devienne un drapeau, le cabaret en était déjà le tissu.
Fin XIXe, à Montmartre, ça commence : Le Chat Noir de Rodolphe Salis, puis Le Moulin Rouge de la Goulue et de Nini Patte-en-l’air. C’est crasseux, brillant, ça sent la sueur, mais ça vit. Entre deux chansons grivoises, des poètes et des déclassés inventent un monde parallèle. On boit, on blasphème, on s’habille en femme ou en dandy, on rit de ceux qui pensent avoir du pouvoir.
Puis vient la déflagration : le Berlin des années 1920. Weimar est une fête qui brûle par les deux bouts. Des artistes comme Marlene Dietrich, androgyne sublime, défient le genre. Les cabarets de Kreuzberg deviennent des zones autonomes avant l’heure, où les queers, les travestis, les amants interdits respirent librement. Anita Berber danse nue, couverte de sang ou de vernis rouge, dans un Berlin où la décadence est un art.
Et quand les nazis ferment la fête, ferment la vie, le cabaret passe en clandestinité. Il migre : Harlem, années 30. Les drag balls font scintiller les églises abandonnées. Des reines noires en plumes et en sequins défilent sous les regards des initiés.
Plus tard, dans les années 50, Julian Eltinge, travesti superstar, inspire une génération entière. Et dans les sous-sols des speakeasies new-yorkais, des queens montent sur des planches bancales pour inventer un art qu’aucune école ne valide mais que la nuit applaudit.
Les années 70 explosent avec Divine et l’univers trash de John Waters, Hibiscus et les Cockettes de San Francisco, qui débarquent sur scène en robes de grand-mère cousues de paillettes et en chantant la fin du patriarcat. Le cabaret devient drag, punk, politique. Chaque show est un doigt levé, chaque chanson un acte de résistance.
Aujourd’hui encore, le cabaret queer continue de se réinventer. Des artistes comme Amanda Lepore, Justin Vivian Bond ou les troupes post-drag comme Sink the Pink prolongent le cri. C’est un héritage vivant : un endroit où le genre se plie et se brise, où la honte devient costume et où la survie s’appelle performance.
Le cabaret, c’est ça :
Un confessionnal païen.
Une scène bricolée où l’on renaît tous les soirs.
Un crachat dans la gueule de l’ordre.
Une promesse : ici, tu peux être monstrueux·se, sublime, indécent·e et personne ne t’arrêtera.
Et maintenant ?
En partenariat avec Bonsoir Paris, l’envie est née de continuer cet héritage.
Au Rosa Bonheur sur Seine, tous les premiers mercredis du mois, un·e artiste de cabaret viendra allumer la scène, faire claquer les plumes, tordre les genres et rappeler au monde que la nuit appartient toujours aux indociles.
Le Cabaret Barge au Rosa Bonheur sur Seine
Cabaret Barge - Le nouveau rendez-vous Queer de Rosa Bonheur sur Seine
Mercredi 5 novembre, LE CABARET BARGE REVIENT POUR SA DEUXIEME ÉDITION – ON SORT CE SOIR ?
20h / entrée libre.
LE CABARET BARGE REVIENT POUR SA DEUXIEME ÉDITION – ON SORT CE SOIR ?
Mercredi 5 novembre 2025 – 20h / entrée libre
Le Cabaret Barge , imaginé par Bonsoir Paris est né d’un désir simple et radical : faire de la fête un manifeste. Chaque premier mercredi du mois, au Rosa Bonheur sur Seine, artistes, publics et complices se retrouvent pour inventer un espace où la nuit se fait scène, où la création se mêle au clubbing, où la joie se vit comme un geste politique. Ni cabaret au sens classique, ni spectacle figé, le Cabaret Barge est une traversée insolente, populaire et hybride : un lieu où la musique dialogue avec le texte, où les corps portent la mémoire, où l’art s’éprouve dans la chaleur du collectif.
À chaque édition, une nouvelle proposition, une nouvelle utopie en mouvement: danser, écouter, vibrer et résister ensemble.
Pour ce deuxième rendez-vous du mercredi 5 novembre, une question : “On sort ce soir ?”. Comme une promesse, une déclaration de vie. Une invitation autant qu’une nécessité.
Une expérience scénique inédite : Nicolas Cartier traverse la langue de Dustan en dialogue avec la création musicale de Kerwin Rolland et le DJ Didier Léglise, sous la direction de Mirabelle Rousseau, entre pulsation techno et incandescence verbale. Une plongée sensorielle où l’écriture rejoint la danse, où le récit devient souffle, battement, appel. Une expérience où la parole de Dustan, scandée, traversée, se déploie au rythme d’une pulsation techno : comme un battement de coeur, comme un souffle de survie, comme l’écho des années sida et l’avènement des cultures électroniques.
En ouverture de soirée, le piano-bar techno sera orchestré par Kahina Ouali, pianiste-chanteuse à la présence magnétique, qui tisse sa voix et son clavier pour convoquer l’atmosphère des années 90–2000 : l’époque de la house, de la techno, et de la vie qui persiste malgré tout. Elle installe d’emblée une ambiance entre mémoire et fête, donnant à cette introduction musicale la puissance d’un rituel d’entrée.
Parce que ce soir, comme hier et demain, on sort.
Photo : ©Muriel Malguy


